jeudi 8 mai 2008

Où Anna Gavalda interviewe Avanie...

Il y a quelques semaines que Maria-Magdalena, ma femme de chambre, me serine avec l’invitation à dîner que lui avait transmise sa nièce, Constance, nounou de son état. Pour hier.

Nous étions allées ensemble lui choisir un tailleur chic et sobre chez Chanel, je lui avais même laissé son après-midi car j’imagine qu’il doit être stressant de ne pouvoir se préparer tranquillement avant une sortie. Pour le soir, il était prévu que Karl la dépose et la ramène.

Aucune inquiétude à avoir donc.

Normalement .

Mais Maria-Magdalena est une angoissée. Elle n’a pu s’empêcher d’appeler sa sœur avant de partir et elle a appris que la patronne de Constance serait présente au dîner. D’ailleurs, c’était bien la moindre des choses, puisqu’il avait lieu chez elle, à Melun.

« Je n’avais pas du tout compris cela ! Je vous en prie, Madame Avanie, venez avec moi ! Je ne connais rien de littérature, je ne saurai pas quoi dire…
- Mais je n’ai même pas lu son dernier roman ! Et puis que va penser Côme s’il ne me trouve pas à la maison ?
- Vous direz que c’est pour votre blog, s’il vous plaît Madame ! »
Que voulez, vous, j’ai cédé !

La maison d’Anna Gavalda est ravissante, très champêtre. Par contre mes Louboutin n’ont pas vraiment apprécié les graviers et j’ai manqué me tordre la cheville au moment où la maîtresse de maison a ouvert la porte, vêtu d’une minijupe en jean, de collants en laine violets et d’une veste officier curieuse. Avec ma nouvelle robe Ellie Saab, j’ai eu l’impression d’être un tantinet déplacée mais aussitôt Madame Gavalda m’a mise à l’aise :
« Oh ! Quelle robe ravissante, et comme vous la portez bien ! s’est-elle écriée. »
Puis elle a débusqué ma femme de chambre qui se cachait derrière moi :
« Entrez Maria-Magdalena, je suis ravie de vous rencontrer, Constance m’a tellement parlé de vous ! »

Du coup, ma bonne n’en pouvait plus de rougir. Elle tordait ses mains contre son ventre comme une collégienne. Dès que notre hôtesse a eu le dos tourné je l’ai admonestée de manière un peu vive :
« Arrêtez de gigoter comme cela, Maria-Magdalena, vous allez me communiquer votre trac ! »

Nous avons été invitées à entrer dans le salon. Dans un canapé, Louis, un adolescent à coiffure tektonik, lisait. Il nous a adressé un vague sourire et a replongé aussitôt la tête dans son livre. Sa sœur, Félicité, au contraire s’est précipité sur nous et a entrepris de nous raconter sa journée de classe. Nullement embarrassée, Anna (puisque c’est ainsi qu’elle m’a demandé de l’appeler) s’est excusé en nous expliquant qu’elle devait finir de préparer le repas. Je me suis donc glissée dans un fauteuil près de la bibliothèque tandis que Maria-Magdalena, pétrifiée, restait debout à écouter les bavardages de la fillette.

Lorsqu’enfin Constance a fait son apparition j’allais m’endormir dans le fauteuil. Je me suis levée d’un bond et j’ai réalisé que j’allais passer la soirée avec deux domestiques et une écrivain. « Si Côme savait cela, ai-je songé !». Je ne savais pas que j’allais être sur la sellette à la place d’Anna.
« Alors, il paraît que vous écrivez ? m’a interrogée la maîtresse de maison
- Moi ? Ecrire, me suis-je esclaffée, vous n’y pensez pas !
- Mais si, Constance ? Vous m’avez bien dit qu’Avanie rédigeait un blog ?
- Ah ça ! ai-je reconnu… Oh ce n’est pas vraiment de l’écriture ! Pas comme vous en tout cas, d’ailleurs, je voulais vous dem…
- Il n’y a pas de forme d’écriture plus noble qu’une autre ! D’ailleurs moi j’aurais préféré être nègre d’écrivain, pouvoir écrire en me cachant derrière quelqu’un qui assume à ma place renommée, interview, télévision. Je serais plus libre ! Enfin bref ! Alors, parlez-moi de votre blog !
- Euh, c’est ma cousine Framboise qui m’a convaincue de me joindre à elle…
- Oh ! C’est très bien, c’est une histoire à plusieurs voix alors ? J’adore ça, les histoires chorales…
- Oui, notre cousin Calixte –le frère de Framboise – participera aussi de temps en temps. Il souhaite ne faire que les rubriques sex… enfin, amoureuses… mais Framboise voudrait que chacun essaye un peu de tout.
- Et de quoi ça parle ?
- Oh ! de rien ! Enfin de tout, bonnes manières, cuisine, beauté, amour, enfants…
- C’est très riche comme matériau. Vous enquêtez sur le terrain ?
- Et bien, nous sommes le terrain ! Nous parlons de ce que nous connaissons… Enfin, sauf quand je vais dîner chez quelqu’un dont je n’ai pas lu le dernier livre !
- Oh ! Vous le lirez plus tard ! Et dites-moi, vous écrivez beaucoup ?
- J’essaye de m’y mettre régulièrement. Je ne suis pas encore vraiment habituée. J’abîme souvent mes ongles sur le clavier par exemple…
Elle éclate de rire !
- Avanie, vous êtes extraordinaire, il se peut bien que je m’inspire de vous pour un de mes personnages ! Vous me rappelez une camarade qui était en classe avec moi à Saint-Pie X de Saint-Cloud !
- Ce n’est pas vrai ! Vous avez été aussi chez les sœurs ?
- Oui, je portais une jupe bleu marine et récitais ma prière à tous les repas.
- Excusez-moi de vous le confier, mais j’ai été dégoûtée de la religion. D’ailleurs, je n’ai jamais eu la foi…
- Oh moi si ! Mais je l’ai perdue. Pourtant, je ne peux m’endormir sans avoir récité un « Je vous salue Marie » pour mes enfants…
Son fils Louis lui jette un regard noir :
- Tu as vraiment besoin de raconter cela à tout bout de champ ? crache-t-il, mécontent.
- Excuse-moi, mon chéri, mais je crois qu’Avanie et moi nous comprenons sur ce point.
- Parfaitement ma chère ! acquiesçai-je. Même si moi je ne peux même plus me servir de mots sacrés pour jurer. Alors la prière ! Mais c’est un secret. Même mon époux ne sait pas que je sèche la messe tous les dimanches matins, ne l’ébruitez pas...
- Ne vous inquiétez pas. Le personnage de mon prochain roman portera un autre prénom que le vôtre. Nous serons les seules à connaître la vérité, Constance, Maria-Magdalena, vous et moi ! Pour sceller notre pacte, tiens, je vais chercher la bouteille de champagne que vous avez apportée. Elle doit être fraîche.

Un peu plus tard – nous venions d’ouvrir une énième bouteille, lorsque Anna Gavalda me demanda :
- Et dans quelle pièce écrivez-vous Avanie ? Dans quelle tenue ?
- Oh ! Le plus souvent je m’installe sur le canapé avec mon portable sur les genoux. Je suis en déshabillé, parce que j’écris le soir après le coucher du petit, ou le matin, avant son réveil.
- Avanie, vous êtes vraiment un personnage ! Je vais aller sur votre blog dès que vous aurez le dos tourné ! Et puis, ça ne vous embête pas que je prenne des notes, pour mon prochain roman ? Vous m’inspirez… »


Photos : Robe Elie Saab, Lingerie Fifi Chachnil

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