jeudi 17 juillet 2008

Léontine se vautre dans le luxe

7 avis

Ce matin, il m’a fallu forcer la main de Framboise afin qu’elle mette un peu d’ordre dans son souk intérieur. J’attendais en effet une visite d’importance. Elle a bien entendu commencé par me présenter diverses objections sans fondement aucun : « oui, mais j’aime mon bordel, il est à moi ce bordel, et d’ailleurs je m’y retrouve parfaitement, c’est un bordel parfaitement ordonné, si tu ranges, je ne retrouverai plus rien ».

Dans ce bordel, comme elle se plaît à le définir, j’ai retrouvé quantité ahurissante de tubes de lubrifiants, de préservatifs, dont certains étaient ouverts et tout à fait secs, de la lingerie masculine et féminine, certains autres tissus bien plus délicats à déterminer, des revues datant pour certaines de plus de deux ans (toutes intéressantes à maints égards néanmoins, pour qui s’intéresse aux modes éphémères). Rien d’organique en tout cas ; ce qui me rassura quelque peu : Framboise et Griotte sont certes fâchées avec le rangement mais elles ne le sont aucunement avec l’hygiène.

Je ne suis pas bégueule, j’ai moi-même mis la main à la pâte pour ainsi dire et effectué quelque activité de soubrette. D’ailleurs, passés quelques atermoiements bien compréhensibles, Framboise et Griotte se sont pliées de bonne grâce à mes exigences. Griotte a mis la stéréo à fond, une musique qui m’est étrangère a envahi l’appartement mais je crains de ne pas avoir trouvé cela si déplaisant. Dansant toutes trois à demi nues sur un air qui répétait inlassablement : « come on and love me now ! », nous avons tenté de remettre un peu d’ordre.

Quand le jeune homme en livrée sonna à la porte, l’appartement des filles avait retrouvé visage humain et nous étions apprêtées de manière aussi charmante et distinguée qu’il se peut, prête à l’inspecter et à le recevoir !

Je crois déjà vous en avoir informé mais je n’ai pas vocation à jouer les pique-assiettes chez Framboise, ni à vivre sur la laine du dos d’autrui. Aussi, avec le soutien parfaitement dévoué de Sampiero, j’ai organisé le transbahutage de mes effets personnels pour emménager au Crillon ce mercredi.

Je sais ce que vous allez me dire. Le Crillon, c’est surfait. Les footballeurs y célèbrent désormais leur victoire devant une foule vulgaire et hystérique et même si l’établissement est géré par Monsieur Ercoli, personne de valeur au demeurant, nous savons aussi que l’honorable famille Taittinger a cédé ce mythique établissement à une grande société américaine. A ce train là, on se demande s’ils ne vendront pas bientôt des hot dogs dans le hall d'entrée.

Toujours est-il que je tenais pour mon grand retour à ne pas manquer à la tradition. L’Hôtel de Crillon n’est pas une auberge de jeunesse. On n’y vient pas pourvu d’un sac à dos et d’une gourde. On n’y vient pas pour passer une nuit, comme s’il s’agissait de faire halte sur une aire d’autoroute ; on y vient pour s’installer. Pour y résider ! Et pour ce faire, il faut solliciter le personnel « porteur ».

Toujours grâce à Sampiero et à ces quelques recherches sur internet (il sait comme j’aime les traditions d’antan), j’ai sollicité les services de la Compagnie des Indes, entreprise presque centenaire qui assure pour vous le transport de vos bagages et vous les installe avant même votre arrivée entre les murs de votre chambre. Vos effets, votre garde-robe, vos bijoux, artifices, tout est respectueusement emballé dans de magnifiques malles de cuir et de cuivre. On se croirait aux meilleures heures de Pondichéry !

Autrefois, la Compagnie organisait les voyages de familles entières d’Europe sur la péninsule indienne, mais aussi à Ceylan et sur toute l’Indochine.

Vous pensez si j’ai inspecté le jeune homme qui me fut envoyé. Qualité du cheveu, hygiène dentaire, propreté des ongles, respect de l’uniforme, élocution. « Madame, vos effets ont été déposés dans votre chambre. A quelle heure souhaitez-vous en prendre possession ? Une voiture vous attendra à l’heure qui vous convient… » C’est tout un blabla, je suis d’accord avec vous, mais un blabla qui s’appelle luxe. Pour un peu, j’aurais soupesé son entrejambe.

Griotte, qui ne semble pas en manquer une, demanda, au jeune homme : « et à ce prix là, pas de champagne ? ». Clignant de l’œil, il me fallut rattraper son écart : « Pardonnez cette enfant, elle ne sait pas encore que le luxe n’a pas de prix ». Le jeune homme, ne sachant que répondre à cette répartie cinglante n’en perdit pas pour autant le sens de sa mission. Il n’était guère que onze heures du matin, mais il se plia à nos exigences. Il consentit également à respecter la moindre de nos injonctions. Il sortit nous approvisionner en champagne et but donc avec nous, férocement. Nous pûmes ainsi constater l’étendue parfaite de son hygiène corporelle, tout l’après-midi durant. Griotte garda le jeune homme dans sa chambre et, me voyant partir, ne parvint pas non plus à s’empêcher de déclarer, sous l’œil noir et enivré de Framboise : « Tata, il faut vraiment que vous nous visitiez plus souvent ».

Le trajet jusqu’au Crillon se passa comme dans un rêve. Le personnel ne fut pas à la hauteur de cet homme en livrée de la Compagnie des Indes mais il fut acceptable, tout du moins sur l’échelle de mon jugement. Quand j’entrai dans la chambre, dix malles majestueuses m’attendaient, elles portaient le tampon de la Compagnie, de beaux éléphants aux énormes défenses d’ivoire portant les effets de quelque richissime colon anglais et de grands sacs débordant de thé. Chaque malle était légèrement parfumée et exhalait des odeurs de jasmin, d’encens, d’épices, de chanvre, et je dois avouer que cette explosion de fragrances me fit tourner la tête.

Aussi, je ne me rendis pas compte tout de suite de la présence de Sampiero, tout à fait nu, au milieu de la pièce. Il avait donc choisi ce jour là pour me déclarer sa flamme. Au bord de l’évanouissement, j’articulai quelques mots qui le brisèrent en milliers d’éclats : « pas aujourd’hui, Sampiero, je n’ai pas arrêté de la journée ». Je disparus dans la chambre où je dormis d’un sommeil bienheureux, jusqu'au jeudi matin.

lundi 14 juillet 2008

Vilaine Avanie

6 avis

Aujourd’hui j’ai du mal à m’asseoir.

Non, formulons les choses par ordre d’importance.

J’ai décidé d’arrêter de bloguer. Du moins en famille.

Comme Mère le disait chaque fois que Papa se plaignait d’elle à table : « on ne lave pas son linge sale en public !
- Nous sommes en famille Eusebia, ironisait mon père.
- Et bien ce n’est pas mieux ! répliquait ma mère.
- Peux-tu me dire ma chère où laver ses slips sales ailleurs qu’en famille ? Chez des amis ? s’agaçait mon père. Décidément tu fais preuve d’une logique un peu particulière ma chère…
- Monsieur, s’enflammait ma mère, si vous vous occupiez des choses du ménage au lieu de courtiser les soubrettes, vous sauriez que ce sont les domestiques qui lavent notre linge sale. A l’office ! Et ta manie de dire "slips" chaque fois que tu le peux ! »

Après quoi, Mère se levait et quittait la table. Papa pouffait et m’invitait à ses côtés :
« J’ai toujours détesté cette table immense, disait-il, songeur, il faudrait des jumelles pour s’apercevoir. Bon, si nous passions directement au dessert ?»

Gênée de cette entorse à l’étiquette, je gloussais en hochant la tête.

Tout cela pour dire que je ne souhaite plus laver mes culottes sales sur ce blog familial.

Je ne vous cacherais pas que Framboise, par son attitude odieuse samedi soir, est en partie responsable de ma défection. Ma grand-tante Léontine (mon Dieu qu’elle est ridée ! Le soleil sans doute !) avec ses manières venimeuses non plus. Et Bertille qui est la plus gentille, est tellement excentrique et bruyante, je crains de ne pas vraiment la supporter.

La présence à mes côtés du charmant invité de Griotte, David, un de leur voisin si j’ai bien compris, n’a malheureusement pas compensé les réflexions mal-aimables que j’ai dû faire passer avec force Pouilly. De l’autre côté de la table, Côme me dévisageait d’un air interrogateur tandis que les autres riaient et plaisantaient à mes dépens.

J’ai tenté de calmer Framboise qui avait dû avaler quelque drogue avant notre arrivé :
« Voyons, Framboise, pourquoi m’as-tu demandé de participer à ton blog si tu n’éprouves aucune sympathie pour moi ?
- Pour te dévergonder, a-t-elle ricané bêtement. Et ça marche ! »

Après quelques vains échanges de ce type je me suis tue. Côme, sous la table caressait ma cuisse pour m’aider à me détendre.
Il est tellement gentil, mon cher mari !

C'était efficace puisque bientôt mon attention s’est focalisée sur sa main si habile. Elle glissait sous ma jupe, lentement, et je laissais de temps en temps échapper un soupir béat. De l’autre côté de la table mon époux ne laissait rien paraître de ce qui nous liait. L’air crispé, il tapotait nerveusement sur la nappe fleurie. Je lui fis un clin d’œil et il en profita pour glisser quelques doigts dans mon intimité. Je me raidis un peu et mon voisin de table me glissa à l’oreille : « Détendez-vous Avanie, voilà, comme ça, a-t-il susurré, tandis que je desserrais doucement les jambes… »

Soudain j’ai réalisé mon erreur.
J’ai manqué tomber de ma chaise et Côme a froncé les sourcils. Puis il a recommencé à tapoter la table… de ses dix doigts !

Les trois qui s’étaient immobilisés en moi n’étaient donc pas à lui… J’aurais voulu mourir sur place. David s’est alors adressé à moi, en chuchotant :
« J’aimerais vous prendre en photo avec Griotte et Framboise…
- Oui, prenez-moi ai-je répondu en haletant. »

Mais il a retiré sa main.
« Très bien, alors rendez-vous ce soir, a-t-il articulé avec une expression sadique... si vous voulez continuer ce jeu là en privé. »

Côme ne s’est pas fait prier pour rentrer avant le dessert. A la maison, c’était l’heure de la sieste.
« Côme, lui ai-je avoué en sanglotant, je ne suis pas assez bien pour toi.
Il a levé les yeux de son journal.
- Mais si très chère, vous êtes parfaite, sinon je ne vous aurais pas épousée.
J’ai insisté :
- Si vous saviez comme je suis méchante. Une très, très vilaine fille.
Mon ton de voix l’a surpris. Il a cessé de lire.

J’ai envoyé valser ses cours de la bourse. Et je me suis allongée sur ses genoux, cul nu. Ses lunettes ont dégringolé de son nez mais il n’a guère protesté.
- Fesse-moi, Côme, ai-je supplié, voilà tout ce que je mérite. »

Mais ce n’est pas tout ce que j’ai eu.

vendredi 11 juillet 2008

Toc, toc, toc

8 avis


Il fallait s’y attendre. Aucune des trois filles n’a daigné consacrer un peu de temps sur sa matinée du vendredi pour venir me prendre à l’aéroport. Avanie ne conduit plus depuis qu’elle s’est tout à fait décidée à remettre en question plus de deux millénaires de lutte féminine ; Bertille est on ne sait où ; quant à Framboise, dans son odieux langage, elle a dit quelque chose comme : « ça fait chier, Tata, t’as qu’à prendre le métro ».

Le métro ou la charrette à bœufs, c’est un peu la même chose, non ?

Tous ces gens mon Dieu, tous ces gens ; et de toutes allures, de toutes…classes ! Non, cette diversité là a été un grand choc pour moi. Je n’ai guère que 62 ans mes bambins ; on ne prend pas un dauphin qui a l’habitude de l’océan pour le jeter dans un étang d’eau douce… Quelques heures auparavant, je regardais la Grande Bleue de ma véranda corse (villa que je venais de vendre grâce au soutien merveilleux de Sampiero ; un villageois un peu bourru qui s’est enamouré de votre tante et qui s’est plié à toutes ses volontés, y compris les plus capricieuses, je dois bien l’avouer) et me voilà sans transition, plongée dans le grand bain bactérien de l’humanité. Imaginez donc !

A l’aéroport, Sampiero, le visage baigné de larmes – certaines personnes sont belles quand elles pleurent ; d’autres sont proprement dégoûtantes, comme un vieux mur qui s’écroule ; Sampiero a la larme digne, son visage carré est un masque de cire et son regard se perd dans un horizon qui n’existe pas…bon sang, quel homme ! – juste avant que je n’embarque, a insisté pour me refourguer un sanglier qu’il avait chassé le matin même. « Un sanglier, me suis-je écriée, ah, non, mon ami, vous n’allez pas mettre toute cette viande morte dans ma valise ».

- Un saucisson alors…de l’âne ?, a-t-il ajouté, en hurlant presque.
- Va pour un saucisson, mon ami, ai-je consenti.

Ce simple mot a suffi pour que des torrents de larme inondent son visage de nouveau. Quel homme. Le saucisson, Bertille le mangera bien… Sampiero, il m’oubliera…avec le temps, je deviendrai la plus belle photo jaunie de son album.

Qu'importe. Ma valise sous le bras, il m'a donc fallu partager cette chose à roulettes que l'on nomme Orlyval puis le métro. Heureusement, je n'ai pas eu à prendre le bus ou quelque chose de ce genre. Je ne sais si je dois vous le dire mais l'Orlyval ne sert pas qu'à transporter des familles qui retournent de voyage, mais aussi du personnel naviguant, des agents de comptoir encore en uniforme rentrant de leur journée de travail, et même des gens qui ne partent nulle part mais accompagnent seulement quelques gens de leur connaissance et s'en retournent. Et la 1ère classe n'existe plus... Quel monde est-ce là ?

Et je n'ai pas parlé de l'avion ; Grand Dieu, les avions ne sont plus ce qu'ils étaient ! Votre pauvre tante a dû partager sa rangée avec un petit garçon très mal élevé qui a vomi trois fois - trois fois ! - dans son sac à dos (allez lui faire comprendre que des petits sachets sont disposés à cet effet) ; croyez-vous que le personnel de l'avion eusse trouvé utile de venir aider ce pauvre enfant.

Mais il en faut davantage pour abattre une Léontine qui pourrait vous parler d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Je vous parle d'un temps où les shampooings n'étaient pas deux en un, d'un temps où le génie artistique était la norme, d'un temps où nous avions quelque respect pour notre propre langage...mais laissons cela, nous aurons l'occasion d'en reparler. C'est là précisément l'objet de ma participation à l'oeuvre familiale.

Une dernière chose. Framboise ne s'y attendait pas, mais je me suis rendue directement chez elle en sortant du métro. Ma valise saucisson sous le bras. Vous auriez vu sa tête. Elle ouvre la porte, nue comme un ver (quelle sorte d'épilation est-ce là ?), et un jeune homme passe derrière elle, pareillement, le membre apparemment encore en pleine forme.

Je n'ai pas pu m'empêcher de relever sa présence, j'en ai peur ! Le regardant...dans les yeux, j'ai dit : "quand vous en aurez fini avec Framboise, peut-être seriez vous disposé à visiter la mienne"... Bien sur, par égard pour Framboise, il a refusé. Mais je sais lire dans le regard des hommes où se nichent le désir et la passion.
Votre tante, mes enfants, malgré ses soixante-deux années reste une très jolie femme, capable de véritables prouesses. Les hommes de qualité le remarquent. Au premier coup d'oeil.

lundi 7 juillet 2008

Bertille se meuble

3 avis

Avanie a éclaté de rire quand je lui ai annoncé ça. Elle n'a pas su par où commencer :
"Ecoute, Bertille, c’est cocasse, aller à Ikéa ! Un trip suédois, je n’y aurais jamais pensé ! Il faut un début à tout ! (grincements de dents).
- Attends, Avanie, tu n'es jamais allée là-bas de ta vie ?
- Des meubles bon marché en pâte à bois, comme dans les films de Bergman... Je ne sais pas, la nurse est en congé, s'esquiva-t-elle...
- Aucun problème ! Pas besoin de nurse ! Il y a des garderies gratuites là bas ! Animés par des grands blonds tennismen, des bandeaux dans les cheveux ! Et des superbes piscines à balle, dis-je, dévisageant Aloysius, ce petit singe muet qui me tire la langue, avec peut-être des seringues de drogue dedans, tu pourras refaire votre vie après, Avanie !"

Victoire.

Karl nous conduisit dans la zone industrielle. Je vis Avanie à mes côtés se recroqueviller dans son siège.
"Va-t-il y avoir des émeutes, demande-elle ? Ne peut-on pas aller à Roche-Bobois, pour faire simple, même Habitat pourquoi pas ?"

Samedi après midi, il y avait le monde entier agglutiné chez les rois du contre-plaqué. Ce n'était pas possible, autant de monde, les gens doivent se sous-traiter pour être aussi nombreux ! Ils emploient des figurants !
"On se croirait dans le RER, répétait fébrilement Avanie.
- Mais vous prenez le RER, ma chère, demandais-je malicieusement ?
- Bien sûr que non, et en voici la raison évidente !"

A l'entrée, il y avait des petits appartements de démonstration, pour expliquer comment on peut se meubler du sol au plafond en IKEA. Des 80 mètres carrés jusqu'au studio de 5, avec un superbe lit-frigo-penderie-douche-fenêtre nommé Inkgijst Börkj (ce qui veut dire "Papillon de lumière" en suédois), et qui se prononce pareil si on passe le disque à l'envers.

Je répétais à Van, la tirant par la manche :
"regarde ! Comme ça doit être génial de vivre là dedans ! Le monde parfait ! Dis-donc, c'est surréaliste comme c'est bien rangé, aussi propre, c'est vraiment un truc qu'on voit jamais dans la vraie vie !"
Si, chez Avanie, en fait.

Elle n'a pas voulu laisser Al dans la piscine à balle. En fait, c'était plutôt une piscine à mioches. Il y en avait partout, en chaussettes qui puent, à se sauter à pieds joints sur la colonne vertébrale. "Comment pourrais-je laisser mon enfant dans ce marasme humain ?" Elle garda donc Aloysius contre elle, se frayant un chemin parmi la foule.

"Bertille, pourquoi autant de monde ? C'est incroyable, ils n'aiment tout de même pas vivre comme ça ?
- Chère Avanie, ce sont les soldes ! Les gens veulent faire des bonnes affaires !
- Mais pourquoi ne payent-ils pas plus cher, pour être plus tranquille, tout simplement ?"

J'ai levé les yeux au ciel sans rien ajouter. Je n'allais pas la contrarier. On ne sait jamais ce qui peut se produire, une fois à la caisse. Une CB qui ne marche pas, etc.

En bref :

Les cadres : accrochés au mur, les cadres contiennent de grandes images avec des couleurs toutes en noir et blanc, des visions de ports nordiques au matin, des montagnes plates, bref, des images qui donnent envie de tapisser sa chambre et de devenir social-démocrate.

L'objet super pas cher : il s'agit d'un objet banal (éponge, casserole, pince à linge, planche à découper) avec un design complètement dingue (en forme de pieuvre, de twingo, ou d'huitre de l'espace) et tellement pas cher qu'on en veut des centaines !
Exemple : "Regarde Avanie, quelle économie ! Une casserole, ça coute 50 euros, et ici, elle est à 1 euro ! Du coup, j'en ai pris cinquante !!!!"

Billy : L'étagère classique. Académique. Les romains avaient déjà les mêmes dans leurs temples. Le must du meuble d'étudiant fauché ou de l'ex-étudiant toujours fauché. Idéal pour empiler ma collection de "Femme inactuelle".

Les matelas Ikéa : pour prouver que c'est solide, ils ont inventé des robots qui se couchent et se lève toute la journée dessus, vingt fois par minutes. Du coup, les matelas sont solides, mais les robots fatigués.

La chambre d'enfant : le siège bleu, suspendu au plafond ! C'est tellement cromignon, le petit morpion qui se balance tel un pierrot lunaire, avec le plafond qui cède et le voisin du dessus qui tombe dans la chambre !

Sinon, j'ai chargé le chariot avec mon futur appartement dedans. On aurait dit un char d'assaut. Arrivée à la caisse, ma carte bancaire n'est pas passée. J'ai regardé Avanie avec une expression de chaton triste, d'un air glacial elle a sorti sa Siouper Visa, je lui ai dit :
"Je te rembourse ce soir ! Hein ? Avec un chèque (en bois) (en contre-plaqué) !"

De retour vers Karl qui s'était endormi après cinq heures dans la voiture, Avanie lui dit, pour se calmer les nerfs : "Karl, vous vous prenez pour un routier à dormir de la sorte ? Est-ce que je suis en train de chômer, moi ?"

samedi 5 juillet 2008

Les trépignements d'Avanie

28 avis

Cette semaine, je ne sais pourquoi, je me suis sentie très énervée.

Lundi, Bertille est arrivée, elle a entrepris de me « décoincer » un peu ; je ne sais pas ce qu’elle veut dire par là. En tant que cousine aînée, je me sens un peu responsable d’elle et j’ai passé de nombreuses heures en sa compagnie. Veiller seulement à ce qu’elle ne dise pas une grossièreté par phrase m’a épuisée.

Mardi, Côme a voulu que nous ayons un rapport sexuel. Je n’ai pas été habituée à ce qu’il me sollicite en pleine semaine et j’ai été incapable de me mettre en condition. Sa barbe de la journée m’arrachait les joues, il n’arrivait pas à dégrafer mon bustier et pour finir je me suis écriée : « Je suis désolée très cher mais je ne peux pas, débrouillez-vous tout seul ! » Je l’ai planté là et je suis allée dormir sur le canapé. Le lendemain, au petit-déjeuner, il a boudé comme un enfant.

Mercredi, Aloysius a eu la diarrhée toute la journée. Alors que j’avais rendez-vous pour un massage confort et bien-être à l’huile Relax chez Clarins j’ai passé la journée à me laver les mains enduites des étrons liquides de mon fils. Shana et moi n’osions pas nous regarder tandis que nous courrions aux quatre coins de la maison pour attraper des lingettes, des couches, des serpillières. Après le passage du médecin, à 18 heures, Aloysius s’est enfin endormi : j’avais les mains râpeuses et les nerfs en pelote. Shana m’a demandé sa soirée pour aller à un dîner avec Cindy. J’ai refusé sèchement et je suis allée me coucher sans attendre le retour de Côme.

Jeudi, j’ai pleuré toute la journée parce que Framboise, au téléphone, s’était encore moquée de Côme. Le soir, alors que j’avais senti tant de compassion pour lui dans mes larmes, j’ai pourtant ignoré les efforts de réconciliation de mon époux et j’ai regardé un Western à la télévision.

Vendredi, j’ai décidé de sauver mon couple et j’ai préparé le plat préféré de mon mari adoré. Nous avons bu du rosé et dîner aux chandelles. Avant de dormir, il m’a dispensé un long baiser délicieux (il s’était rasé pour épargner ma peau sensible) et nous nous sommes assoupis dans les bras l’un de l’autre.


RECETTE des PIEDS PAQUETS (pour 6 personnes) :
Une tripe de mouton et huit pieds (de mouton) soigneusement
nettoyés. Les pieds ont été flambés et blanchis.
Découper dans la tripe des carrés de sept ou huit centimètres
de côté et pratiquez une petite incision à l’un des coins.
Déposez au centre une cuillère de hachis (cent grammes de
petit salé avec deux gousses d’ail, du persil, un anchois et
du poivre). Replier chaque morceau en enfermant bien le
hachis. Faire passer la peau par l’incision et replier. On peut
aussi ficeler le paquet avec du fil (ce qui est plus facile).
Dans un plat en fonte, faire revenir un poireau et un oignon
émincé ; rajouter une carotte en tranches, trois tomates
hachées et un oignon piqué de deux clous de girofle.
Mouiller avec un litre de vin blanc et deux litres de bouillon.
Déposer d’abord les pieds au fond puis les paquets dessus
et faites bouillir.
Ajouter un bouquet garni, deux gousses d’ail écrasées, du
sel, du poivre, un piment oiseau et de l’écorce d’orange.
Recouvrir et laisser cuire doucement six à sept heures.

Coiffure : Nagi Noda

mardi 1 juillet 2008

Avanie arrache des dents

9 avis

Ayant passé la plus grande partie de ma vie dans un pensionnant dirigé par des bonnes-sœurs, en Suisse, j'ai appris que, bien entendu, mentir c'était mal.
Dieu l'a décrété, les bonnes-sœurs nous l'ont fait répéter en boucle, Mère me l'a rabâché. Soit.

Ainsi, pendant des années je me suis exercée à la sincérité.

J'annonçais, poliment :
"Mère, je trouve que vous avez grossi. Ou alors, c'est votre robe qui ne vous sied guère.
Mon père, ravi, s'écriait :
- Eusebia, écoutez votre fille puisque la vérité sort de la bouche des enfants !"

Mais mère me fusillait du regard et ne m'adressait plus la parole pendant trois jours.

De même, lorsque je répétais à la Mère Supérieure que mon père la surnommait "Le vieux chameau", je me voyais privée de récréation des semaines entières.

J'ai vite compris que la vérité devait parfois être passée sous silence.

Dans certains cas, il est même nécessaire de mentir, de vive voix.
Hélas. Que ceux qui ne sont pas d'accord prennent ma place, à la tête de quelques domestiques, mariée et mère, entourée de cousins aux mœurs légères.

Que dire lorsque mon époux, lors de notre nuit de noces, penaud, m'a demandé si j'étais déçue ?

J'ai protesté : "Côme adoré, pardonne mon silence mais je suis tellement comblée, au contraire, que je ne trouve de mots assez grands pour décrire ce que j'ai ressenti."

Le lendemain, il m'a offert un nouveau diamant.

J'ai eu, depuis quelques années que je suis devenue Madame de, l'occasion de parfaire mes réponses, prétextes et autres entorses à la vérité.

Toutefois, lorsque Shana, de retour, aujourd'hui, s'est enquise, des braises dans les yeux :
"Dites-moi que nous recommencerons, c'était délicieux... Je vous aime !

Je n'ai su que lui rétorquer :
- Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler."

Puis je lui ai annoncé qu'Aloysius avait déjà émis une selle, au lever.